Forum 2016 de l’alimentation du Québec

Des pertes de plus de 110 millions

La pénurie de travailleur affecte durement le secteur agricole

Au Québec, la pénurie de main-d’œuvre agricole (8700 postes vacants) a causé des pertes de ventes de 116 millions en 2014, calcule le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA). Un problème qui n’est pas unique au Québec : on ne se bouscule pas davantage dans les autres provinces pour travailler à la ferme.

Le problème n’est évidemment pas unique au Québec. On ne se bouscule pas davantage dans les autres provinces pour travailler à la ferme.

« Le taux moyen de postes vacants au Canada est de 1,8 %. En agriculture, il est de 7 %. C’est le taux le plus élevé de toutes les industries. Sept pour cent, c’est énorme ! », a lancé Portia MacDonald-Dewhirst, directrice générale du CCRHA, lors du Forum 2016 de l’alimentation du Québec organisé hier par le Conference Board du Canada.

À l’échelle canadienne, l’agriculture fait travailler 2,3 millions de personnes, ce qui en fait le plus important employeur du pays. Mais ce n’est pas encore suffisant, et l’ampleur de la pénurie double chaque décennie.

Il y a 10 ans, on dénombrait en effet 30 000 postes vacants, comparativement à 59 000 aujourd’hui. Et dans 10 ans, il manquera 114 000 travailleurs, prévoit le CCRHA.

En 2014, la pénurie occasionnait un manque à gagner de 1,5 milliard de dollars, selon l’organisation, qui n’a pas calculé la perte possible dans 10 ans.

« Les conséquences sont énormes », a ajouté Portia MacDonald-Dewhirst. Par exemple, 11 % des agriculteurs reportent ou annulent des projets d’expansion en raison du manque de main-d’œuvre. D’autres peuvent décider de transporter leurs activités à l’extérieur du pays. De plus, la pénurie force les fermes à augmenter leur productivité et engendre un mouvement de consolidation.

DU MÉTRO À LA FERME

« Pourquoi a-t-on ce défi en agriculture ? Parce que ce n’est pas un milieu valorisé et connu dans les écoles », a ensuite expliqué Geneviève Lemonde, directrice générale du Comité sectoriel de main-d’œuvre de la production agricole, AGRIcarrières.

Le commun des mortels a tendance à penser que les emplois sont saisonniers, que les heures de travail sont épouvantables, qu’il faut bûcher physiquement sept jours par semaine. Ce n’est pas toujours entièrement faux, convient-elle. Mais le secteur peut quand même convenir à certaines personnes.

Pour aider ponctuellement les fermiers, AGRIcarrières leur fournit de la main-d’œuvre vivant en ville, grâce à un service de transport par autobus partant de certaines stations de métro à Montréal. Chaque année, 35 000 travailleurs (soit 1000 autobus) en profitent. Le service, appelé Agrijob, sauve des productions, raconte son coordonnateur, Robert Ouellet.

Ces jours-ci, les asperges du Québec sont prêtes à être cueillies, mais les travailleurs étrangers ne sont pas encore arrivés. Des agriculteurs ont donc appelé Agrijob pour combler le besoin de main-d’œuvre. « L’an dernier, un champ d’épeautre était en fleur, car il y avait eu beaucoup de pluie, poursuit Robert Ouellet. Il fallait les arracher. Si tu n’agis pas assez rapidement, tu perds ta récolte. »

BIENTÔT LA RETRAITE

L’industrie laitière québécoise est particulièrement touchée par la pénurie de main-d’œuvre puisqu’elle emploie, à elle seule, 45 % de la main-d’œuvre agricole du Québec. Par contre, ses défis s’amenuiseront au fil des ans, prévoit le CCRHA, car la demande diminuera.

« Quand les gens vieillissent, ils consomment moins de lait, la demande n’est pas très forte dans les pays émergents et il y a de plus en plus d’alternatives [boissons d’amandes, de soya] », a expliqué Portia MacDonald-Dewhirst.

Le vieillissement de la population touche par ailleurs le secteur agricole d’une autre façon. Même si le Québec semble en bonne posture, avec le bassin de main-d’œuvre le plus jeune du pays, il ne faut pas se réjouir trop vite : d’ici 10 ans, le quart des travailleurs aura pris sa retraite, a souligné la directrice générale du CCRHA.

AU QUÉBEC (EN 2014)

1 emploi sur 12 était vacant dans le secteur agricole.

1 sur 36 était vacant, en moyenne, dans tous les autres secteurs.

— Source : AGRIcarrières

L’INDUSTRIE AGRICOLE DU QUÉBEC, C’EST : 

20 % de tous les travailleurs du secteur agroalimentaire au Canada

73 500 personnes

8800 travailleurs étrangers

— Source : Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture (CCRHA)

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